Peu de nouveautés en ce moment, car peu de temps pour peindre,
Mais je viens vous mettre une des étapes du tableau sur lequel je travaille actuellement.
Pour le moment, je travaille sur l'esquisse à la peinture = dessin et delimitation des zones d'ombres.
J'ai encore un peu de modifications à faire sur le croquis lui même, avant d'attaquer les teintes elles même.
Ce tableau est très technique, en raison des diverses couleurs utilisées. On y verra dans la chair du rouge carmin, un peu de garance, du vert, du gris, de l'outre mer, des ocres, siennes et terres d'ombre..
Je prends énormément de plaisir dans ce tête à tête mélancolique et presque charnel.
Bien que difficile à traiter en acrilyque, cette toile est un pur bonheur. Tout m'y plait : le contexte social, le message qu'il véhicule, le sujet traité, la sensibilité de l'artiste....
Je vous laisse le découvrir.
voici l'oeuvre originale
Contexte historique
A la veille de la Révolution, Marie-Guilhelmine Leroux-Delaville (1768-1826) fait partie d’une petite élite de jeunes femmes peintres qui réussissent à suivre l’enseignement de maîtres, sans appartenir à une famille d’artistes. Elève d’Elisabeth Vigée-Lebrun, elle fréquente aussi, à partir de 1786, l’atelier de David et expose de premières toiles de style néoclassique, sous sa direction, en 1791. Mariée, en 1793, à Pierre Vincent Benoist, royaliste suspecté de conspiration, elle est soumise à des visites domiciliaires pendant que son mari se cache. Elle survit sous la Terreur avec son premier enfant, en vendant de petits portraits au pastel et des scènes de genre moralisantes.
Sous le Consulat, ayant retrouvé une vie moins difficile, elle cherche à faire connaître son véritable talent. Le portrait du député Belley, présenté en 1797 et 1798, a fasciné le public. Pourtant, représenter un Noir n’est pas alors un sujet noble, et semble plus incongru encore de la part d’une femme dont on attend des sujets charmants, familiaux ou intimistes. En présentant ce portrait de femme noire qui renoue avec le style néoclassique, au Salon de 1800, Madame Benoist démontre ses capacités et triomphe du même coup des conventions sur le rôle dévolu aux femmes artistes.
Au tournant du siècle, la situation des Noirs représente un enjeu politique et économique considérable. L’abolition de l’esclavage, décrétée le 4 février 1794, par la Convention n’a pas été suivie d’une pleine application, du fait de la guerre ou de l’opposition des colons. Lors de l’accalmie entre la France et les pays d’Europe coalisés, la traite des Noirs reprend dans l’Atlantique et les tenants des intérêts coloniaux s’efforcent d’amener Bonaparte à rétablir un esclavage propre à assurer le retour de la prospérité aux îles et à enrayer les tendances indépendantistes.
Analyse des images
« Portrait d’une négresse »
Ce splendide portrait représente à l’évidence une personne réelle, bien qu’on ne sache rien du modèle. L’artiste n’a pas fait connaître le nom de cette femme à la tête drapée dans un fichu de servante des Antilles.
Cette femme noire se présente dans une situation non conforme à sa condition de domestique, qui était probablement même celle d’une esclave avant 1794. Le regard directement tourné vers le spectateur, assise dans un fauteuil à médaillon drapé d’un riche tissu, elle occupe la place traditionnelle d’une femme blanche.
La pose reprend celle de plusieurs portraits de femmes de la haute société peints par David. Elle s’apparente à celle de Madame Récamier sur le célèbre portrait que David compose en cette même année 1800. Le style du maître transparaît aussi dans le fond dépouillé, dans l’usage minimal des accessoires – fauteuil, draperie et vêtement -, comme dans le modelé sculptural des formes, l’éclairage direct et les couleurs tranchées.
L’œuvre fait ressortir la différence raciale en rendant avec exactitude la pigmentation noire de la peau rehaussée par le fond clair et l’éclatant tissu blanc, la texture des cheveux et la forme particulière des yeux, du nez et des lèvres. Mais l’artiste réussit à rendre beau un sujet que l’époque considérait comme laid.
Le regard intrigue par son insistance; est-ce le spectateur ou l’artiste qui la peint que cette femme entraîne dans cette confrontation? L’aisance gracieuse et l’harmonie des couleurs apprises de Mme Vigée-Lebrun imprègnent aussi ce portrait d’une empathie qui suggère une compréhension par l’artiste de son modèle. Son anonymat a permis de la dénuder, à la manière de la Fornarina de Raphaël. Mais l’artiste rend sensible la situation psychologique vulnérable et résignée, de cette femme dans cet univers qui lui est étranger.
L’œuvre pourrait ainsi avoir deux objectifs apparemment contradictoires : présenter cette femme noire comme un objet de possession, un bien acquis parmi des objets de luxe, mais aussi, au-delà de la différence raciale, la faire reconnaître comme un être doué de sensibilité.
Lettre de David
Dans cette lettre du 21 juillet 1787, le peintre Jacques Louis David répond au comte d’Angivillers, ministre des Arts de Louis XVI, soucieux de faire observer l’interdiction faite par le roi aux femmes artistes d’étudier dans des ateliers où exercent des hommes. Avec déférence, David tente d’opposer des arguments raisonnables et précis. Ces démêlés avec une administration pointilleuse révèlent la place dévolue aux femmes dans le monde des arts à la fin de l’Ancien régime. Le peintre n’aura pas gain de cause, les trois jeunes artistes devront quitter son atelier du Louvre.
Pour la jeune Leroux Delaville, David représente la figure de proue du néoclassicisme sobre et moralisant. Ce document montre avec quelle vigueur il défend la formation artistique des femmes ; il les encourage aussi à la peinture d’histoire, le « grand genre » réservé aux hommes. La jeune artiste ne peut passer qu’un an dans son atelier mais reste en contact avec ce maître, en dépit de graves divergences politiques sous la Révolution ; toute sa carrière, elle lui soumettra ses peintures pour avis.
Interprétation
Cette toile apparaît audacieuse en 1800 en raison à la fois de l’idée que se fait l’époque de la représentation des Noirs et du rôle qu’elle assigne à la femme dans l’art. Avec le recul du temps, cette œuvre exceptionnelle révèle surtout avec quelle acuité Marie-Guilhelmine Benoist, cette femme artiste qui avait traversé la Révolution, a perçu l’importance du sexe, de la race et de la classe sociale à l’époque de l’entrée de la France dans la modernité.
Les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité qui rejettent au nom de la morale le critère de la race ont certes été proclamés sous la Révolution mais ne seront assimilés que progressivement. A cette époque, les distinctions raciales sont minutieusement décrites et rationalisées. En parallèle, avec l’extension de l’esclavage au XVIIIe siècle s’est développée une hiérarchie des races fondée sur une classification des caractéristiques biologiques. En 1800, si la loi rejette encore moralement la race, la différenciation l’emporte.
Auteur : Luce-Marie ALBIGÈS
Sources ; http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?analyse_id=759